Aux vents déraisonnables : Quand Christiana Moreau nous parle d’Histoire et de tourbières.

Imaginez : vous vous promenez dans les Hautes Fagnes, le vent vous fouette le visage, les tourbières s’étirent à perte de vue et soudain… BAM ! Vous vous prenez en pleine face un roman qui vous happe sans prévenir. Voilà l’effet que fait Aux vents déraisonnables de Christiana Moreau : un vent de passion, d’Histoire et de destins brisés qui souffle fort. Très fort. Prévoyez une écharpe, car nous parton faire une petite promenade dans le 5 eme roman de l’autrice qui, cette fois-ci, change de ton !
Mais la vraie force de ce livre, c’est la conviction de cette histoire pour l’autrice. En publiant ce roman chez Empaj Edition, elle prouve qu’une grande maison d’édition n’a pas cette sensibilité pour le thème, la région et le sens de ce roman.
Non, ce roman n’est pas trop Belge, il a juste du coeur…et ça, l’autrice et d’éditrice l’ont compris, et cette équipe l’a fait ressentir aux creux des pages.


L’histoire commence avec une quête d’identité, celle d’un jeune homme en mal de repères. Et hop, en quelques pages, on plonge dans l’entre-deux-guerres, où nous attendent deux jeunes insouciants : François et Maria. Ils courent dans les landes, ils rient, ils vivent leur meilleure vie, se voient un avenir radieux… jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale leur coupe l’herbe sous le pied.

Alors là, fini les promenades champêtres : François veut fuir l’enrôlement dans la Wehrmacht, Maria se retrouve embringuée dans le Service du travail du Reich et leur relation, qui aurait pu être une belle romance de carte postale, devient un tango tragique.
Ajoutez à cela Lucie, la cousine qui débarque avec sa douceur et son passé lourd, et vous obtenez un triangle amoureux digne d’un soap opéra… sauf qu’ici, c’est la guerre et que les dilemmes sont autrement plus corsés que de savoir qui apportera les croissants au petit-déjeuner.

Soudain, François saisit la main de Maria à la vue d’un tétraèdre qui venait de se poser à la lisière des résineux. Elle l’avait aperçu aussi, et immobile, retenait sa respiration. L’oiseau lissait du bout du bec son plumage ravis. Il gonflait ses caroncules,…, qui rehaussaient de rouge vif sa couleur sombre.

Au vents déraisonables – Christiana Moreau – Empaj Edition

Le vrai héros du roman ? Les Hautes Fagnes elles-mêmes. Oui, oui. Le décor est un personnage en soit, plein de promesse.
Parce que si Christiana Moreau a un talent, c’est bien celui de nous faire sentir le froid mordant, l’odeur de la tourbe, et la beauté presque mystique de cette région qui, entre deux bourrasques, semble chuchoter les secrets des âmes tourmentées. Il y a du nature writing dans l’air, et franchement, on n’aurait pas dit non à une petite balade à dos de chevreuil pour accompagner tout ça.
On sent qu’elle aime cette région, qu’elle l’a découverte avec son oeil artistique où chaque détails à son importance.

Mais attention, ce n’est pas un livre sponsorisé par l’office du tourisme belge. Car sous la splendeur du décor se cache une réalité bien plus rude : celle des Cantons de l’Est, cette zone à l’identité mouvante, tiraillée entre la Belgique et l’Allemagne. L’auteure décortique avec une précision quasi chirurgicale la complexité de cette région et de ses habitants pris dans l’étau de la guerre. Qui est belge ? Qui est allemand ? Qui est traître ? Qui est héros ? Spoiler : ce n’est jamais aussi simple que ce que les manuels d’histoire veulent bien nous raconter.

François ne luttais plus. A des années-lumière de menaces du monde qui grondaient, il se laissa ensorceler par la grâce de cette journée inoubliable, loin di danger d’autres batailles qui déchiraient le miracle de leur jeunesse, cet amour pur comme un cristal de roche

Au vents déraisonables – Christiana Moreau – Empaj Edition

Au milieu de tout ça, les cœurs battent. Et parfois, ils saignent. Maria, d’abord insouciante et fougueuse, se retrouve emportée dans une spirale infernale. Elle croit pouvoir retrouver son amour de jeunesse après la guerre, comme si l’histoire avait simplement mis leur romance sur pause. Sauf que la vie, ce n’est pas Netflix. Pendant que Maria endure un destin abominable sous le joug nazi, François, lui, prend le maquis, rejoint la Résistance et… tombe amoureux de Lucie (patata…). On entend déjà les soupirs outrés dans le fond de la salle. Eh oui, Maria ne va pas bien le prendre du tout .

Jalousie, désillusion, tragédie : tout est réuni pour une fin qui vous noue la gorge.Que dis-je, une fin sombre comme l’autrice nous a jamais montré. C’est du Shakespeare sous morphine. Du noir dans un décor vivant..
Et Christiana Moreau déroule son récit avec une justesse redoutable. Juste des émotions crues, sincères, qui frappent en plein cœur.
Et ça ne loupe pas!



Pourquoi lire ce livre me diriez-vous ? Parce que je vous le demande, simplement.
Non, sincèrement, parce que c’est beau. Parce que c’est une histoire dure. Parce que surtout, c’est profond. Parce que les personnages ne sont jamais tout noirs ou tout blancs. Parce qu’on apprend en même temps qu’on vibre. Et aussi parce que si vous avez toujours rêvé de lire un roman qui parle à la fois d’amour, de guerre, de la complexité de l’identité belge et des tourbières (oui, il y a un public pour ça, j’en suis sûr), alors ce livre est fait pour vous.

Et puis, Christiana Moreau, simplement. Quand vous connaissez cette personne, ses ouvrages, son professionnalisme, vous ne pouvez que lire ce livre!
Avant, je pensais que c’était l’art qui dictait les roman de l’autrice. Aujourd’hui, j’en suis certain : ce sont les voyages. Que ce soit dans le temps, dans l’espace ou personnels, ces voyages sont

Soudain, il écarquilla les yeux. Des lurmerottes couraient sur la lande, dansaient avec légèreté, s’immobilisaient, puis repartaient en sarabande. Toutes les histoires que les vieux racontaient à la veillée lui revenaient en mémoire : les feux-follets qui entrainent de leur flammes timides les égarés au fond du marais pendant les nuits obscures.

Au vents déraisonables – Christiana Moreau – Empaj Edition

Bref, que vous soyez amateur d’histoires bouleversantes, que vous souhaitez passer pas une bourrasque d’émotions ou que vous souhaitez découvrir la plume de cette autrice qui n’est plus à présenter, prenez ce livre en main. Car ce livre 100% Belge, autrice Belge, éditrice Belge, décor Belge (et un peu allemand quand même), ne vous laissera pas indifférent.
Et si vous vous dite que ce livre est bien trop Belge…lisez le, vous comprendrez que les préjugés sont jamais bon, mais les avis oui !

5/5

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