Le Malheur des Uns : Frédéric Ernotte nous apprend l’art subtil de la vengeance tarifée

Renan Frost est agent immobilier. Du moins, c’est ce que pense sa famille. En réalité, cela fait plusieurs mois qu’il mène une vie secrète dans un job qu’il s’est taillé sur mesure. Sa véritable activité consiste à provoquer le malheur de parfaits inconnus pour satisfaire ses clients.
Renan et son équipe multiplient les mauvais coups en toute impunité jusqu’à ce qu’un mystérieux ultimatum les mette au pied du mur.
Quelqu’un sait qui ils sont et ce qu’ils font.
Quelqu’un qui leur veut du mal…

Soyons honnêtes. Qui n’a jamais secrètement espéré que son voisin bruyant découvre par hasard la texture collante d’un chewing-gum sous ses chaussures neuves ? Ou que cet ex insupportable, non content de vous avoir laissé avec un cœur en miettes et un poisson rouge sous Lexomil, connaisse la délicate expérience du pigeon vengeur en pleine ville ? Mais comme nous sommes civilisés (et peu enclins à des poursuites judiciaires), nous laissons faire le karma. Ou la météo, si on est patients.

C’est là que Renan Frost intervient. Lui, il ne croit pas au karma, il croit à la rentabilité de la mesquinerie. Ex-agent immobilier fraîchement licencié (et très motivé à ne pas en parler à son épouse – un bel exemple de communication conjugale), il décide de capitaliser sur la frustration de ses contemporains en fondant Schadenfreude, une startup spécialisée dans les crasses personnalisées. Son job ? Faire subir de légers désagréments à des personnes désignées par ses clients. On est loin des grandes mafias, mais on n’est pas non plus très loin du gang des blagues Carambar sous stéroïdes.

Le début de toute cette histoire – © Wikipedia

Lui et son équipe de génies du mal niveau bac – mais très organisés – transforment donc la vengeance en business. Jusque-là, tout roule (sauf pour les victimes). Mais l’ennui avec les petites crasses, c’est que parfois elles reviennent comme un frisbee mal lancé. Quelqu’un décide d’inverser les rôles et de leur rendre la monnaie de leur pièce – avec intérêts. Le jeu du chat et de la souris s’enclenche, sauf que la souris a des crocs et qu’elle semble avoir binge-watché tous les thrillers psychopathes de ces trente dernières années.

Frédéric Ernotte © Frédéric Ernotte

Frédéric Ernotte nous livre ici un thriller jubilatoire, oscillant entre comédie noire et tension à faire grincer des dents. On commence par rire des stratagèmes absurdes de Renan et son équipe, on termine en vérifiant que personne n’a mis de sel dans notre café. La force du roman ? Une écriture affûtée, pleine d’un humour à la belge (donc drôle mais avec un petit air de « tu vas voir, ça va mal finir »), qui nous fait osciller entre plaisir coupable et vrai suspense.

“Le Malheur des Uns”, c’est un ascenseur émotionnel : on monte en rigolant, on descend en retenant son souffle.C’est intelligent, grinçant et terriblement addictif. Un conseil : avant de le lire, assurez-vous que personne n’a trempé vos chaussettes dans du piment. On ne sait jamais…

Pour continuer l’aventure

4.4/5

Comments (2)

  • Nath – Mes Lectures du Dimanche

    09/03/2025 at 07:11

    Faut avouer qu’on se sent bien à lire ses petites mesquineries et “c’est de la fiction”, susurre notre conscience… 😜

    1. lebelgequilit.com

      09/03/2025 at 08:25

      De la fiction qui pourrait rattraper la réalité un jour.
      Les auteurs sont juste des êtres pragmatiques :p

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