Les Ombres du monde : Michel Bussi ose le Rwanda et c’est captivant.

Et si un roman pouvait à la fois vous tenir éveillé parce que vous voulez absolument savoir ce qu’il se passe au chapitre suivant… et vous empêcher de dormir parce qu’il vous oblige à regarder en face l’un des génocides les plus terribles de l’Histoire ? C’est exactement ce que fait Les Ombres du monde, le nouveau livre de Michel Bussi. Et pour moi, qui n’avais jamais ouvert un Bussi de ma vie, je peux dire qu’il a choisi un sacré moment pour faire sa première impression. C’est un peu comme si on vous invitait à un pique-nique et que vous découvriez qu’en fait, vous êtes à un procès de Nuremberg.

Michel Bussi dans sa splendeur

Car oui, Michel Bussi n’a pas décidé de tresser un simple thriller. Non, il a choisi le Rwanda de 1994. Et là, il faut avouer qu’on rigole moins. Mais on lit, et surout…on apprend. Et si Bussi peut se permettre ça, c’est qu’avant d’être le roi des rebondissements, il a été universitaire, géographe, habitué à jongler avec des cartes, des archives et des vérités. Pas vraiment le CV d’un rigolo… mais pile celui qu’il fallait pour aborder un sujet aussi lourd sans sombrer dans le roman-dossier ennuyeux

Il faut marcher vers la démocratie avec prudence, comme quand tu t’engages dans une escalade dangereuse, en assurant chaque prise.

Les Ombres du monde – Michel Bussi – Presses de la cité

Petit rappel historique : avril 1994, l’avion du président rwandais Habyarimana est abattu. En cent jours, près d’un million de Tutsi sont massacrés. Pas avec des drones ni des armes high-tech. Avec des machettes. Avec des gourdins. Avec des voisins qui tuent leurs voisins. On tuait les femmes, parce qu’elles portaient la vie. On tuait les enfants, parce qu’ils représentaient l’avenir. On tuait les anciens, parce qu’ils détenaient la mémoire. Voilà. À ce stade, même l’humour belge se tait. Parce que ça fait froid, très froid.

Le Rwanda a pourtant son charme !

Le roman s’articule autour d’une famille franco-rwandaise : Maé, quinze ans, passionnée par les gorilles (les vrais, pas ceux qui vous bousculent dans les files du supermarché), sa mère Aline, qui a quitté le Rwanda enfant et qui a choisi l’amnésie plutôt que le souvenir, et Jorik, le grand-père, ancien militaire français, qui connaît beaucoup plus de choses qu’il n’en dit. Le soir de Noël, Maé reçoit trois cadeaux : un magnétophone rouge, un carnet, et trois billets pour le Rwanda. Derrière ce cadeau en apparence banal se cache un héritage explosif : les chants de son arrière-grand-mère, le journal intime de sa grand-mère Espérance, et une vérité familiale qui éclaire un drame collectif.

Je suis désolée je ne suis pas de ces mères qui chroniquent chaque anecdote de la vie de leur enfant. Ce journal n’est pas ta biographie, c’est le récit de ton pays. Je ne veux pas faire de toi une reine, mais une citoyenne.

Les Ombres du monde – Michel Bussi – Presses de la cité

Là où Bussi excelle, c’est dans la construction : chapitres courts, cliffhangers qui vous forcent à tourner la page, rebondissements qui surgissent quand on ne s’y attend pas. Bref, la recette du page-turner est bien là. Mais cette fois, ces ficelles servent un objectif bien plus grand que le simple frisson : elles transmettent une mémoire. Elles éclairent un pan de l’Histoire trop souvent oublié ou minimisé, et elles forcent à se poser la question qui dérange : que faisait la France en 1994 ? Quel rôle ont joué ses soldats, ses diplomates, ses alliances ? Silence, inaction, complicité ? Et surtout, que faisons-nous, nous, aujourd’hui, face aux tragédies qui se répètent ailleurs ?

L’horreur de l’histoire est ressentie dans le récit

Car Les Ombres du monde n’est pas seulement un roman sur le passé. Ce livre est épais, avec de petits caracteres, c’est dense, parfois difficile, mais nécessaire. Il est vrai que certains personnages auraient pu être développé mais le roman est assez épais, cependant l’ alternance entre les époques est juste bien effectuée et ficelée, entre mémoire intime et mémoire collective on apprend énormément de l’histoire. Mais avant de vous lancer dans ce récit, sachez une chose : on ne ressort pas indemne de cette lecture. Et c’est exactement ce qu’un grand roman devrait être : pas un simple divertissement qu’on repose en reprenant sa vie comme avant, mais un texte qui laisse une trace, qui interroge, qui dérange.

Nulle part Maé ne voyait de déchets. Aucune décharge à ciel ouvert, aucune poubelle éventrée, aucune carcasse rouillée, aucun bout de verre et aucun morceau de papier, pas même le moindre sac plastique envolé. Une pauvreté sans saleté. Une misère immaculée.

Les Ombres du monde – Michel Bussi – Presses de la cité

Et c’est pour ça qu’il faut lire Les Ombres du monde. Parce qu’il ne se contente pas de nous raconter une histoire, il nous oblige à regarder la grande Histoire en face. Parce qu’il rappelle que le silence est une complicité. Parce qu’il dit que l’inaction est déjà une faute. Et parce qu’il montre que la mémoire est une arme contre l’oubli. Michel Bussi réussit un pari rare : écrire un roman haletant, accessible, et en même temps profondément utile. Oui, utile. Et franchement, ce n’est pas tous les jours qu’un roman réussit à vous divertir, vous instruire et vous secouer la conscience en même temps.

Et puis, soyons honnêtes : combien de romans réussissent à parler de machettes, de mémoire collective, de gorilles, de journal intime et de magnétophones rouges… tout ça dans la même histoire, sans que ça paraisse absurde et que ça vous tienne en haleine ? Rien que pour ça, ça vaut la lecture.

Alors, la vraie question maintenant : oserez-vous plonger, vous aussi, dans les ombres du monde sans vous ?

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Comments (7)

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